Rémi DALLE (2 décembre 2019)


Nous avons le regret de vous faire part du décès du colonel Rémi DALLE, à l'âge de 94 ans, à la maison de retraite" les Florentines" de Béziers, où il séjournait avec son épouse.

Notre camarade était adhérent de la section AET de l'Hérault depuis de nombreuses années et participait avec Renée à pratiquement toutes nos activités.

Rémi, après des études à l'EMP de Billom, en attendant l’âge de 18 ans pour s’engager, avait fait partie de l'équipe d'encadrement de l'EMP des Andelys repliée à Béziers, il était alors « Élève chef à l’encadrement ».

À la fermeture de l’école, il est envoyé à l’EMPT de Tulle d’où il est envoyé au camp de concentration de Dachau.

Après son évasion, il rentre en France et s’engage dans les chasseurs alpins où il sert comme sous-officier en Allemagne et à Innsbrück en Autriche.

À l’issue, il intègre l’École spéciale militaire de Saint-Cyr (promotion Général Frère) et poursuit ensuite sa formation dans l’artillerie à Châlons-sur-Marne et Nîmes. En 1952, lieutenant, il est affecté en Indochine et, à la chute de Diên Biên Phu, le 7 mai 1954, il est fait prisonnier par le Việt Minh.

Après sa libération, il rentre en France et poursuit sa carrière dans l’artillerie.

Quelques années après, il change d’arme et choisit la Gendarmerie où il poursuivra sa carrière jusqu’au grade de colonel.

Rémi Dalle était Commandeur de la Légion d'honneur.

 


Éloge de Rémi DALLE par son fils, Alain

 

Nous sommes réunis aujourd’hui pour célébrer la mémoire de mon père Rémi DALLE, commandeur de la Légion d’honneur.

Comment un simple fils de métayer lozérien a-t-il pu accéder à une telle preuve de reconnaissance de la Nation ?

Tu es né le 18 juin 1925, près de Saint-Denis en Margeride, dans une ferme isolée des hauts plateaux lozériens. Tu commences ta vie d’enfant de paysan et tu parles patois, mais dès ton arrivée à l’école de St-Denis, ton instituteur décèle en toi de réelles aptitudes.

La famille n’a pas les moyens de payer des études secondaires et la solution trouvée est de te mettre en pension chez les enfants de troupe pour faire carrière dans l’armée.

C’est ainsi qu’à 12 ans, tu iras à l’École militaire préparatoire de Billom dans le Puy de Dôme. Tu ne retrouveras tes parents que pour les vacances 3 fois par an. L’armée devient ta nouvelle famille.

Avec l’invasion allemande, ton école est déplacée à Béziers où tu feras la connaissance de Maman. Mais, début 44, l’école est encore déplacée à Tulle, où âgé de 19 ans, tu es entré dans la résistance, dans l’Armée secrète, organisation gaulliste du général Delestraint.

 

Survient à Tulle, l’attaque prématurée des FTP communistes sur les forces allemandes. La division Das Reich appelée en renfort reprend rapidement la ville et décide, en représailles des 40 morts allemands, la pendaison de 120 otages français. Tu fais partie des otages et assistes aux pendaisons de tes compagnons, par groupes de 10, mais faute de cordages les exécutions s’arrêtent à 99 et les survivants sont déportés à Dachau. Au camp de concentration, ta connaissance de la langue allemande et ton activisme te permettent de préserver la vie de déportés français.

Dénoncé, tu échappes encore à la pendaison mais tu es envoyé au camp de punition, une mine de fer aux conditions de vie infernales dont on ne revient pas. Mais l’avancée des troupes russes et la désorganisation qui s’ensuit te permettent de t’évader. Là encore ta connaissance de l’allemand et ton dynamisme favoriseront ton difficile retour par tes propres moyens depuis le fonds de l’Autriche jusqu’à Strasbourg.

 

Ta santé rétablie, tu n’as pas oublié la jeune Biterroise connue lors de ton affectation à Béziers et tu l’épouses en janvier 47. Entre-temps, tu t’es engagé comme simple soldat au 153e régiment d’infanterie et tu as déjà rapidement gravi les premiers échelons de la hiérarchie. Viennent ensuite différentes affectations pour le jeune couple en Autriche et en Allemagne où tu prépares l’entrée à St-Cyr que tu intègres en 1949, promotion "Général Frère". En août 49, tu deviens papa avec ma venue au monde.

À ta sortie de St-Cyr, la guerre d’Indochine a déjà commencé et devenu lieutenant, tu es affecté au 3e bataillon Thaï, appelé aussi le Bataillon des Seigneurs, en raison de l’aura des officiers qui tenaient, avec des troupes composées à 90 % de Thaï, d’immenses territoires à l’ouest de la Cochinchine. Tu y serviras avec des officiers prestigieux comme Bigeard ou Guilleminot.

Entre deux missions dans le Delta, tu apprends la naissance de ta fille Chantal.

À la tête de tes soldats Thaï, tu rejoins la triste cuvette de Diên Biên Phu. Ton action est de tester et affaiblir les lignes viet-minh en y opérant des actions commandos. Tu en effectueras plusieurs avec succès, ce qui te vaudra une citation à l’ordre de l’armée. Un mois avant la chute du camp retranché, tu seras grièvement blessé aux reins par des éclats d’obus, et bien que très affaibli, tu survivras à la longue marche de 800 km vers le camp d’internement N° 1, alors que nombre de tes camarades, à bout de forces, sont achevés au bord de la piste. La survie au camp N° 1 est terrible, le taux de mortalité y est 3 fois supérieur à celui des camps nazis. Car outre la sous-alimentation et les maladies tropicales, le lavage de cerveau y est quotidien pour briser les hommes. Tu survivras, mais dans quel état, grâce à la solidarité de tes frères d’armes, à cet enfer dûment organisé par le viet-minh communiste.

Vient ensuite la guerre d’Algérie, tu es capitaine, officier de renseignement dont l’action sur le terrain te vaut encore la croix de la Valeur militaire avec une citation. Mais tu as compris que la France va abandonner l’Algérie, tu prépares le concours d’entrée de l’École des officiers de la Gendarmerie que tu intègreras en 1960.

Ta carrière se terminera à l’état-major de la Région à Toulouse avec le grade de colonel.

Je conclurai en citant tes propos, humbles et profondément humains, tout à ton image, prononcés à Paris à l’Hôtel de SALM, lors de la remise de ta croix de Commandeur de la Légion d’honneur : « On admire souvent le courage des guerriers mais le courage des épouses est peut-être plus grand. Je pense à la souffrance de mon épouse, lorsque j’étais blessé, porté disparu, dans une guerre à l’autre bout du monde. Elle s’est un temps retrouvée seule, avec un fils de 5 ans et une fille de 6 mois, encore inconnue de son père. » Au revoir Papa.


Christian RAHIER, au nom de Michel ALAUX, président de la section AET de l’Hérault

 

Chers amis, évoquer en quelques mots la personnalité et la vie du colonel Rémi Dalle constitue une gageure tant son parcours, qui vient de vous être retracé par son fils, est exceptionnel.

Exceptionnel, par les épreuves qui lui furent imposées, par le courage et la force de caractère qui lui permirent de surmonter les situations. Engagé dans un combat inégal, il avait un amour sans limite pour notre pays et son Honneur à rétablir. Il fut promu Commandeur dans l’ordre de la Légion d’honneur ce qui atteste bien de l’étendue de ses qualités et mérites.

Nous retrouvions régulièrement Rémi et Renée dans nos rassemblements. Rémi y retrouvait une communauté de vie et de pensée où il se sentait bien, non par confort ou conformisme, mais par conviction profonde à un idéal de vie et à un engagement personnel. Rémi était un épicurien aimant un entourage fait de rugby, de chasse et de réunions amicales.

Merci Rémi pour ce que tu nous as donné, pour l’image et l’exemple qui fut le tien, pour les valeurs que, je le sais, tu as transmises à tes enfants et petits-enfants. C’est à eux maintenant de poursuivre le sillon que tu as tracé.