Michel BARBIER (18 février 2023)


Michel BARBIER grand croix de la Légion d'honneur adhérent anocr 34-12-48 décédé le 1! février 2023 anocr34.fr

Le groupement a le regret de vous faire part du décès du colonel Michel BARBIER, promotion "Rhin et Danube" (1947-1949) le 18 février 2023 à presque 96 ans.

Début janvier 2023, nous vous avions informés de l’élévation à la dignité de grand’ croix de la Légion d’honneur du colonel BARBIER.

Il devait être décoré le samedi 11 mars prochain par madame Patricia MIRALLÈS, secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire.

 

Ses obsèques ont été célébrées le 23 février en l’église de Saint-Clément-de-Rivière.

La cérémonie s’est déroulée en trois phases :

- la célébration religieuse présidée par le Père Vincent LAUTRAM, précédée par les hommages du général d’armée 2s Elrick IRASTORZA, de la famille et du lieutenant-colonel (er) PEYRARD au nom du 7e RTA ;

- les honneurs militaires ordonnancés par le lieutenant-colonel Bertrand SOREAU, délégué militaire de l’Hérault devant le monument aux morts de Saint-Clément-de-Rivière, en présence de madame Patricia MIRALLÈS, secrétaire d’État auprès du ministre des Armées chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, et du général d’armée (2s) Bernard BARRÉRA, ancien Inspecteur général des armées, amis de la famille ;

- le dernier recueillement et l’inhumation au cimetière des Garrigues dans l’intimité familiale.

 


Éloge prononcé par le général d’armée (2S) Elrick IRASTORZA,

ancien chef d’état-major de l’armée de Terre,

le 23 février 2023 en l’église de Saint-Clément-de-Rivière.

 

La France s’est faite à coups d’épée.

Mon colonel, vous appartenez à cette longue cohorte de grands soldats qui nous ont faits, de lourds sacrifices en moment plus heureux, ce que nous sommes aujourd’hui. Des coups d’épée, vous en avez donnés qui vous ont valu 7 citations dont 3 avec palmes mais vous en avez aussi reçu de terribles qui vous ont infligé 3 blessures dont vous avez gardé de lourdes séquelles pendant  plus de 60 ans, les surmontant avec un courage qui forçait l’admiration de ceux qui savaient.

Car beaucoup ne savaient pas.

Alors permettez-moi de rappeler ici, l’exceptionnel parcours qui vous a valu la plus haute distinction honorifique française, la Grand’croix de la Légion d’honneur que la République aurait tant souhaité vous remettre de votre vivant.

Né à Paris en 1927, comme la plupart des jeunes de votre génération, vous n’avez ni compris ni admis l’effondrement de 1940 et mal supporté l’occupation allemande. Alors, à 17 ans tout juste, vous vous engagez dans les Forces Françaises de l’Intérieur, le 6 août 1944, et rejoignez le maquis de Lorris dans le Loiret. À peine arrivé, vous participez à l’attaque d’un convoi allemand le 9 août puis au combat en forêt d’Orléans du 14, avant d’être renvoyé dans vos foyers compte-tenu de votre jeune âge.

Mais votre soif de servir reste intacte et vous vous engagez, à 20 ans, dans l’infanterie ce qui n’est pas un choix simple : le pays et son armée sont en pleine reconstruction et si la paix semble revenue en Europe, la sauvegarde de l’Empire est devenue une brûlante priorité gouvernementale.

À peine six mois après votre incorporation au 57e régiment d’infanterie de Sissonne, vous êtes nommé sergent et, à l’été 1948,  admis à l’École Spéciale Militaire Interarmes de Saint-Cyr. En choisissant de s’appeler  «  Rhin et Danube », votre promotion rend ainsi hommage au maréchal de Lattre de Tassigny, fondateur de l’école 3 ans plus tôt.

Pendant plus de 36 ans de service, vous n’aurez de cesse de faire vôtre sa fière devise : « Ne pas subir ! »

Dès la fin de votre application dans la lande bretonne, vous rejoignez, en mai 1950, le 2e régiment de zouaves à Oran puis le 2e régiment de tirailleurs algériens à Tiaret.

Désigné pour servir en Extrême-Orient, vous débarquez, fraîchement promu lieutenant, à Haïphong en octobre 1951 pour y retrouver le 2e RTA. Vous enchaînez alors à la tête de votre commando nord-africain des opérations d’une agressivité et d’une efficacité qui forcent l’admiration de vos compagnons d’arme, multipliant les infiltrations dans les lignes adverses, les actions de vive force et les embuscades sur les arrières du Vietminh , désorganisant ses flux logistiques tout en lui infligeant de lourdes pertes.

En mars 1953, en entraînant à l’assaut vos tirailleurs avec votre bravoure coutumière, vous êtes grièvement blessé mais, refusez l’évacuation et continuez à commander sous le feu jusqu’à ce que l’ennemi rompe le contact. Une seconde citation avec palme vient récompenser vos qualités de jeune chef à l’allant exceptionnel.

Rapatrié début 1954, vous êtes réaffecté 6 mois plus tard en Afrique du Nord pour prendre votre part aux opérations dites de sécurité et de maintien de l’ordre, cette guerre d’Algérie qui ne dira pas son nom jusqu’en 1999. Pourtant, ce fut une vraie guerre, avec son cortège de morts pour la France, de blessés, de mutilés et de traumatisés, une guerre qui marqua durablement plusieurs générations de civils et de militaires, tous confondus dans un même drame national. Ajoutée à votre traumatisme physique, cette grande douleur sourde vous a accompagné jusqu’au dernier jour.

Mais, et comme toujours pour le soldat surmontant ses doutes et ses interrogations, seule la mission compte ! Alors, c’est sans grand répit que vous menez avec votre enthousiasme et votre ardeur habituels, à la tête de votre compagnie de tirailleurs cette fois, de très durs combats, parfois jusqu’au corps à corps.

À partir de 1957, vous poursuivez la lutte au sein de votre régiment de cœur, le très glorieux 7e régiment de tirailleurs algériens, 7 fois cités pendant la Grande Guerre et 3 fois durant la Seconde Guerre mondiale, conduisant avec un cran et une audace réfléchie des opérations de nuit qui font rapidement votre renommée pour leur efficacité.

En 1958, vous êtes nommé capitaine et fait chevalier de la Légion d’honneur. Vous avez 31 ans.

La lutte continue. Chef énergique, adroit et manœuvrier, vous multipliez les actions offensives à la tête de vos tirailleurs que votre calme, dans les situations les plus difficiles, rassure et galvanise.

Le 11 mai 1959, avec cet allant que tous vous reconnaissent, vous bousculez une importante katiba mais au cours de cet affrontement, vous êtes  très gravement blessé par deux fois. Évacué sur ordre du commandant de l’opération, la plus grave de ces blessures obligea les médecins à vous amputer de la jambe droite.

En novembre 1959, vous recevez votre 6e citation et vous êtes promu officier de la Légion d’honneur. Vous avez 32 ans !

Mais la vie continue. Rapatrié un mois plus tard et à l’issue de 6 mois de convalescence, vous suivez les cours de l’École d’état-major, y obtenez votre diplôme et êtes affecté à l’automne 1960, en Allemagne à la 5e brigade blindée.

L’action vous manque, et un an plus tard vous retrouvez l’Algérie au sein de l’état-major de la 2e division d’infanterie motorisée où vous assumez les fonctions délicates d’officier responsable du barrage frontalier avec la Tunisie dans l’Est Constantinois. Votre implication et votre sens élevé du devoir vous vaudront une 7e citation, ultime acte de reconnaissance, sur le terrain, envers le combattant exceptionnel que vous avez été jusqu’à ce que se taisent les armes en Algérie.

À votre retour, vous êtes affecté à l’état-major de la 4e région militaire à Bordeaux, êtes promu chef de bataillon avant de rejoindre, en 1968, l’École d’Application de l’Infanterie à Montpellier pour 7 ans et retrouver un peu de sérénité en famille. Vous y serez promu lieutenant-colonel puis affecté pour 5 ans auprès du gouverneur militaire de Paris.

Nommé colonel en 1979, vous faites valoir vos droits à la retraite un an plus tard et vous retirez à Saint-Clément-de-Rivière entouré des vôtres et de vos amis. En 2009, vous êtes élevé à la dignité de grand officier de la Légion d’honneur et décoré sur le front des troupes à l’École d’Application de l’Infanterie par le colonel Pierre Sanselme, très glorieux soldat de ce 7e régiment de tirailleurs algériens qui vous a tant marqué.

Enfin, par décret du Président de la République en date du 7 novembre 2022, vous êtes élevé à la plus haute distinction de la République, celle de Grand’croix.

Au moment où l’Europe voit ses rêves déraisonnables de paix éternelle s’effondrer à ses portes, je forme devant vous le vœu qu’il se trouve toujours, dans et pour notre pays, des Français et des Françaises animés par ce sens du devoir qui vous a porté pendant toutes ces années au service toujours très exigeant de la France.

 

Madame, vous qui avez partagé les doutes et les souffrances de ce grand soldat et lui avez offert une belle famille dont il était très fier, au nom du monde combattant dont je ne suis ici que le porte-voix, et en présence de Madame Patricia Mirallès, secrétaire d’État chargée des Anciens Combattants et de la Mémoire, représentant le Président de la République, permettez-moi de vous présenter ainsi qu’à vos enfants et petits-enfants rassemblés autour de vous, toutes nos condoléances les plus attristées, celles de la communauté saint-cyrienne et bien sûr celles de ses derniers camarades de la promotion « Rhin et Danube ».

Mon colonel, je suis né l’année où vous êtes parti pour la première fois en Algérie et notre génération d’officiers a puisé à l’exemple de soldats de votre trempe, ses rêves de gloire au pied d’un drapeau ou d’un étendard et surtout sa volonté de servir son pays dans l’Honneur, sans jamais faillir, en dépit des doutes et des souffrances endurées.

Nous vous en remercions tous et vous disons, d’une seule voix, en signe d’ultime hommage : « Mes respects Mon colonel ! »


PHOTOS de la cérémonie