Henri BREYSSE (8 juin 2018)


Le lieutenant-colonel Henri BREYSSE est décédé le vendredi 8 juin à Sète, à l’âge de 92 ans.

Les obsèques ont été célébrées en l’église Saint Pierre de Sète (rue du 14 Juillet) le mercredi 13 juin 2018.

Le lieutenant-colonel Terre/infanterie/Légion étrangère Henri BREYSSE, après avoir participé aux combats de 39/45, a rejoint l’EMIA (promotion Victoire – 1945).

Il a fait 3 séjours en Indochine, tous au sein de la 13e Demi-brigade de la Légion étrangère et 2 séjours en Algérie. Ses décorations sont le témoignage d’un très beau soldat.

Il a quitté le service actif en 1975 pour s’établir à Sète.

L’Amicale des anciens de la Légion étrangère de Sète et des environs était directement auprès de la famille et a préparé l’éloge (voir ci-dessous).

Claude a pu s’entretenir assez longuement avec Marie-Thérèse Breysse et lui témoigner notre attachement et lui présenter nos condoléances.


Hommage au lieutenant-colonel Henri BREYSSE

par le président d’honneur de l’Amicale des anciens de la Légion étrangère de Sète

le 13 juin 2018 en l’église Saint Pierre de Sète

 

 Il y a des hommes qui n’ont rien à raconter et il y a ceux qui font l’histoire. Henri Breysse était de cette deuxième catégorie.

 

Mon Colonel, 

Toi qui fus si humble sur tes exploits, toi qui ne portais que la moitié de tes décorations, tu ne brûlais que pour l’ardente nécessité, toujours horrible mais indispensable de l’engagement pour la défense de la France, notre patrie si chère à ton cœur, et de ses valeurs. Il m’a été demandé de faire ton éloge car tu étais adhérent de notre association mais je n’en ai pas la qualité tant nous te portions une immense considération.

Je me résoudrai à ne rapporter que les actes essentiels. Seuls les actes comptent (Saint-Exupéry).

Tu fais partie de ces officiers qui ont marqué les générations plus jeunes par sa participation à trois conflits majeurs du siècle dernier, ces pierres d’angle qui portent la cathédrale "France" rayonnante de liberté, d’intelligence et de courage. 

Si dans le monde d’aujourd’hui, notre pays reste au faîte d’un idéal, nous le devons à des soldats tels que toi.  

 

Engagé volontaire à la Légion étrangère, à la 13e DBLE (demi-brigade de Légion étrangère), unité de la 1ère Armée française engagée dans la campagne de France en 1944 après le débarquement en Provence. Ta carte de conducteur est signée du lieutenant-colonel Louis de Sairigné, futur chef de corps qui mourra pour la France en Indochine. Nous entrons dans la légende de la Légion étrangère moderne. Tu nous y mènes, Henri, nous te suivons. Conduis-nous sur ces terres de France. 

Tu te bats simple soldat sur notre sol avec tes frères légionnaires contre les nazis ; tu es déjà cité à l’ordre de la brigade : "Jeune légionnaire affecté aux transmissions, a toujours fait preuve de courage et de sang-froid ; blessé en montant une ligne face à l’ennemi." 

Te voilà en juillet 1945, sélectionné parmi tous ceux qui avaient participé au combat, pour former la promotion "Victoire" de l’École militaire interarmes à Saint-Cyr Coëtquidan. En décembre 1945, après six mois d’entrainement intensif, tu en sors avec le galon de sous-lieutenant.

 Et en janvier 1946, tu es à Saïgon. Tu prends le commandement d’une section de la 13. Au total, tu feras trois séjours en Indochine. Au dernier, tu commanderas la première compagnie avec laquelle tu rejoins en 1955 l’Algérie. 

Détaché hors cadre, tu prendras la responsabilité d’une SAS. Ces sections administratives spécialisées créées en 1955 pour pacifier un secteur en fournissant l'assistance scolaire, sociale, médicale envers les populations rurales musulmanes afin de les gagner à la cause de la France.

En 1958, après une affectation au Centre d’instruction et de contre-guérilla à Arzew, tu prends le commandement de la 1ère compagnie du 110e Régiment d’infanterie motorisé. Tes brillants états de service te valent la Croix de guerre des TOE (théâtre d’opération extérieure) et la Valeur militaire avec 8 citations.

Après la perte de l’Algérie, tu seras affecté dans les états-majors en métropole. Tu n’y seras jamais aussi comblé comme tu l’étais au milieu de tes légionnaires ou tes soldats du 110e RIM.

Après une mutation au 81e RI à Sète en 1966 en tant que chef de bataillon, tu prends finalement la décision de quitter le service actif en 1975 au grand regret de l’institution.

 

Officier de la Légion d’honneur, trois croix de guerre, tu as à ton actif des états de service exceptionnels. Ils sont auréolés de gloire et de bravoure et ta famille peut en être fière. Ils sont ton véritable éloge, celui de tes frères d’armes et celui de tes frères d’âme, ici dans cette maison de paix. 

À Dieu ; mon Colonel, MORE MAJORUM !

Gérard Gimeno Devesa

 


Hommage à Grand-Père par Géraldine Meiner au nom des petits-enfants

 

Ni Papi, ni Pépé, ni Bon-Papa, non tu as toujours été Grand-Père. Comme si du haut de ton 1,86m, aucun diminutif ne pouvait t’atteindre.

Grand-Père rime avec militaire. Pour tous nos camarades de classe, tu étais le Colonel, grand, droit, altier et sûrement pas commode, qui venait souvent nous chercher à l’école. Tu n’hésitais pas à nous protéger des automobilistes dépassant la frontière du passage piéton en te servant de nos cartables comme projectiles. L’ancienne devise de la Légion étrangère était Valeur et Discipline et c’était sûrement ce que tu espérais inculquer à la troupe de tes petits-enfants. Mais les 3 petits bleus que nous étions regimbaient souvent devant tes travaux d’intérêt général : fais tes devoirs, mange ton rata et range ton barda. De grandes mèches rebelles nous tombaient sur les yeux alors que ce n’est pourtant pas compliqué la coupe para. Tes instructions, pourtant précises, cultivées et étayées d’exemples édifiants nous barbaient parfois un peu mais nous avons appris des tas de choses avec toi et nous t’en remercions. Ce que nous préférions, c’étaient tout de même les expéditions : les campagnes de l’herbier, de la pêche au Lac d’Issarlès, de la cueillette des champignons à Chapeau, des châteaux de la Loire ou du Cirque.

Bien sûr Grand-Père rime aussi avec littéraire. Ta vie elle-même est comme un roman, pleine de pays exotiques, de tragédies et de belles aventures. Pourtant tu en parlais peu toi-même, laissant pudiquement les grands auteurs parler pour toi. J’ai l’impression que tu avais la citation ou le mot juste pour chaque situation. Tu ne veux pas aller au cours de sport ? Pourtant « Mens sana in corpore sano ». Tu ne sais pas comment écrire ta dissertation ? « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Tu pars en voyage de correspondance en Angleterre ? « Ah ! la perfide Albion ! ». Par contre, quand ça t’emmerdait, et bien ça t’emmerdait tout court. Un de tes auteurs favoris, Tocqueville, disait  « L'histoire est une galerie de tableaux où il y a peu d'originaux et beaucoup de copies. » Et c’est ce que nous retiendrons de ta vie et de ta personne je crois. Tu as été un homme unique et singulier.

Normalement, Grand-Père ne rime pas avec les mots en -iste mais étonnamment toi si. Grand-Père était avant-gardiste. Comme Dolto, tu pensais que l’enfant était une personne. Ton visage s’éclairait quand tu voyais des enfants et je suis heureuse que tu aies rencontré tes 4 arrière-petites-filles. J’adorais quand tu m’appelais ma grande et me parlais comme à une adulte. Grand-Père était écologiste. Quand nous oubliions d’éteindre la lumière, nous t’entendions crier : « C’est Breysse qui paye !». Grand-Père était illusionniste. Tu ne buvais jamais de whisky, tu le faisais s’évaporer en ajoutant un peu de Perrier. Grand-Père était fantaisiste. Tu nous faisais rire aussi. Tu pâtissais ou te servais de tes problèmes d’audition pour créer des scènes surréalistes. Une fois dans un hôtel à l’issue du déjeuner la serveuse nous a demandé : « Vous êtes bien dans la chambre 24 ?» et tu as répondu interloqué « Mais pourquoi me parlez-vous d’Henri IV ? ». Grand-Père était féministe. Tu pensais tellement qu’il y avait des métiers pour les femmes dans l’Armée que tu m’avais amenée au centre de recrutement à Montpellier.

Léopoldine m’a demandé si Grand-Père serait toujours avec nous et la réponse est oui. Victor Hugo qui maitrisait si bien l’art d’être Grand-Père disait : « Tu n’es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis. »