Georges BARBRY (19 février 2019)


Nous avons le regret de vous faire part du décès du lieutenant-colonel Georges BARBRY, promotion Maréchal Bugeaud (1959-1960), le 19 février 2019.

Georges aurait eu 85 ans le 26 février.

À l’issue de Coëtquidan, il avait fait le choix de l’infanterie avant de rejoindre par la suite la Brigade des sapeurs pompiers de Paris et donc le Génie. 

C’est le 4 juillet dernier que nous l’avions entouré pour l’À Dieu à son épouse Anne-Marie dont il ne s’est pas vraiment remis.

 

La cérémonie civile s'est déroulée au complexe funéraire de Grammont à Montpellier le 25 février.

 


Éloge du lieutenant-colonel Georges BARBRY

par ses camarades de la promotion Maréchal Bugeaud,

prononcé le 25 février à Grammont (Montpellier)

par le général 2s Georges CHAVANIER

 

Cher Georges et cher petit-co,

 

Parce que tu avais, avec ta gentillesse habituelle, pris le soin de laisser à l’intention de celui de la Bugeaud qui prononcerait ton éloge un dossier parfaitement ordonné, il nous a été facile de reconstituer tes trente ans de carrière passés au sein de cette armée française que tu avais choisi de servir.

 

Rien ne t’y destinait. Ni la profession de tes parents, tous deux instituteurs, ni ton goût prononcé pour le dessin et la musique, ni ton baccalauréat de philosophie obtenu, écrivais-tu, grâce à un professeur qui n’était autre que le cousin du célèbre philosophe Raymond Aron.

 

Mais parce qu’adolescent, tu ressens déjà en toi le besoin d’aider les autres et, je te cite, « de sauver des vies », c’est tout naturellement qu’en août 1954, à 20 ans, tu résilies ton sursis et t’engages pour trois ans au titre du régiment des Sapeurs-Pompiers de Paris.

 

Là tu fais une rencontre décisive en la personne d’un capitaine – « encore merci à lui » écriras-tu – qui te pousse à passer dans l’armée de Terre pour pouvoir plus aisément te mettre en condition de préparer le concours de Saint-Cyr. Long chemin semé d’obstacles que tu vas franchir les uns après les autres. Sergent au 93e régiment d’infanterie en Algérie, peloton des officiers de réserve à Antibes, aspirant chef de section au 3e bataillon de tirailleurs algériens en Kabylie, admission à l’École militaire de Strasbourg pour laquelle tu as dû démissionner de ton grade de sous-lieutenant et redevenir sergent, admission à l’École spéciale militaire interarmes de Saint-Cyr Coëtquidan. Ton capitaine avait vu juste. Tu avais bien l’étoffe d’un officier.

 

En juillet 1960, à l’amphi armes de ta promotion, la Maréchal Bugeaud, tu choisis l’infanterie métropolitaine et rejoins le 2e bataillon de zouaves pour un nouveau séjour d’un an en Algérie. Puis c’est le retour en métropole et les retrouvailles avec ton cher régiment des Sapeurs-Pompiers de Paris.

 

Un an plus tard, je te cite à nouveau, « le miracle arrive. L’état-major recherche des lieutenants volontaires pour occuper un emploi de pilote d’hélicoptères détaché à la Sécurité civile après une formation dans l’aviation légère de l’armée de Terre. Non sans quelques tribulations, sueurs froides et un peu de chance car nous sommes plusieurs sur les rangs, je suis détaché en 1965 comme pilote à la Sécurité civile. Le rêve du jeune homme est devenu réalité ». Un rêve qui va durer 17 ans et se concrétiser par 3 082 heures de vol dont 75 de nuit, 763 missions de secours et 37 missions de sauvetage.

 

À bord de ton Dragon, tu es le premier sur les lieux du crash du DC10 de la Turkish Airlines à Ermenonville où tu as la vision d’horreur des 346 victimes déchiquetées. Le premier aussi en Essonne quand brûle le Boeing de la Varig et que tu peux récupérer vivants onze passagers sur les 134 qui se trouvaient à bord. Tu écris : « Quelle immense satisfaction pouvons-nous ressentir quand nous parvenons à arracher des gens à la mort. » Tout est dit : ta fierté du devoir accompli, et, quand tu emploies le « nous » au lieu du « je », ta profonde modestie et ta grande pudeur.

 

Quand en 1983 sonne pour toi l’heure de la retraite, tu es lieutenant-colonel –  comme tu l’as écrit sans amertume ton long détachement auprès du ministère de l’Intérieur n’avait guère favorisé ton avancement – tu es officier de l’ordre national du Mérite, décoré de la croix de la Valeur militaire avec une citation à l’ordre de la brigade, titulaire d’une médaille d’argent et d’une médaille de bronze pour actes de courage et de dévouement. Sans oublier ces autres décorations rarissimes chez un militaire mais qui en disent long sur les multiples facettes de tes activités : chevalier du Mérite agricole, chevalier dans l’ordre des Palmes académiques pour services rendus à l’Éducation, Grande médaille de la ville de Paris, lettre de félicitations du ministre de l’Intérieur.

 

Cette diversité se retrouve aussi dans les brevets que tu collectionnes, qui vont de sauveteur spécialisé et scaphandrier autonome à chef de plongée, observateur, pilote et moniteur de pilotes d’hélicoptères légers.

 

Comment ne pas évoquer enfin cet autre trophée dont tu étais si fier, le casoar de saint-cyrien de la promotion Maréchal Bugeaud que ta avais coiffé au soir du 4 novembre 1959. Un saint-cyrien du 2e Bataillon, qui désarmait d’un sourire la condescendance que mettaient bêtement dans ce terme ceux qui ignoraient que tu portais déjà le galon de sous-lieutenant quand eux-mêmes en étaient encore à préparer le concours.

 

Pendant 30 ans tu as été à Montpellier le plus fidèle des petits-cos. Et le plus polyvalent. Tour à tour acteur de théâtre, bruiteur, accessoiriste, photographe, responsable des transports fluviaux, pilote de la voiture balai, mais aussi et surtout musicien. Qui d’entre nous peut avoir oublié les sonorités de ta clarinette, quand, en ouverture du spectacle donné pour notre cinquantenaire, tu avais égrainé les notes émouvantes de « Nos jeunes années ».

 

"De jeunes années" qu’allait venir illuminer le sourire d’Anne-Marie, fidèle elle aussi à cette promotion qu’elle avait adoptée et où elle avait noué ses propres amitiés. Il n’est pas une de nos rencontres où vous n’ayez été présents tous deux, épaule contre épaule : réunions, voyages, repas à la grande table de la rue Bizet, et aussi, trop souvent hélas, en ces jours de deuil quand il fallait accompagner l’un des nôtres à sa dernière demeure et qu’elle s’associait intérieurement au Pékin de Bahut que nous chantions ensemble.

 

Ce Pékin de Bahut que dans tes dernières volontés tu as expressément demandé qu’il soit chanté autour de ton cercueil. Nous le ferons tout à l’heure. En espérant que nos voix soient assez fortes pour parvenir jusqu’à toi, et te dire l’honneur et la joie qui ont été les nôtres de t’avoir eu pour petit-co et pour ami.

 

Adieu, Georges.