Claudia PECQUEUR (5 juillet 2021)


Claudia PECQUEUR, membre de l'ANOCR et décédée le 5 juillet 2021. Photo prise en 2017 anocr34.fr

Nous avons le regret de vous faire part du décès de madame Marie-Jeanne (Claudia) PECQUEUR, née GIRARD, le lundi 5 juillet 2021.

 

Claudia (son prénom d’usage) était née le 16 août 1921 à Fayet (12) et domiciliée a La-Grande-Motte il y a quelques semaines encore.

Malgré son âge - Claudia aurait eu cent ans le mois prochain - elle était toujours d’une très grande vivacité d’esprit.

C’était une résistante FFI, fille du fondateur du réseau de résistance des monts Lacaune.

Elle s’est ensuite mariée à un officier de l’armée de l’air sortant de Salon.

En 1957, alors que son mari, capitaine, était affecté à la base aérienne de Boufarik en Algérie, la famille (mari, femme et leur fils de 10 ans) qui se déplaçait en véhicule entre la base aérienne et la ville de Boufarik a été mitraillée par le FLN. Le mari a été mortellement blessé et c’est elle qui a réussi à prendre le volant et à se sortir du guêpier.

Elle eut ensuite un emploi réservé sur la base jusqu’au rapatriement en 1962. Arrivée à Montpellier, elle a travaillé deux ans comme documentaliste à l’EAI avant que le poste ne soit supprimé.

Elle a été élevée au grade de chevalier de la Légion d’honneur en 1997 pour ses faits de résistance.

 

Elle était adhérente à l’ANOCR et à l’association DPLV LH 34. Elle a été membre de l’UNC et même présidente de l’UNC La Grande-Motte pendant quelques temps.

Son fils unique est décédé il y a une vingtaine d’années.

 

Les obsèques ont été célébrées par notre ami François-Michel Leheup, aumônier militaire honoraire, au Centre funéraire de Grammont (Montpellier) le 12 juillet.


Éloge de Marie-Jeanne (Claudia) PECQUEUR

par le Lieutenant-colonel (ER, TDM) Michel BAIN,

membre de la section Languedoc sud de l’association des Membres de la Légion d’honneur décorés au péril de leur vie

 

Née au pied du plateau du Larzac, à Fayet(Aveyron) au bord de la Dourdou, petite rivière du haut bassin du Tarn, Marie-Jeanne GIRARD n’a pas 20 ans en 1940.

 

Mai-Juin 1940, la bataille de France est perdue. 

 

Le 22 juin, en forêt de Compiègne, dans le wagon où les Français victorieux avaient imposé leurs conditions le 11 novembre 1918, le maréchal Pétain, au nom du gouvernement français, signe l’armistice avec les représentants allemands : la France est coupée en deux zones : zone occupée par l’Allemagne, zone libre où s’installe à Vichy le gouvernement légal du maréchal Pétain.

De Londres, le général de Gaulle a lancé son Appel à la Résistance le 18 juin, mais peu l’ont entendu.

 

Les premières organisations de Résistance sont le fait de militaires, plus ou moins en accord avec le gouvernement de Vichy, dont le mouvement Combat, dont se réclament les maquis du Tarn.

Son père, Marius, ancien combattant de la Grande guerre 1914/1918 refuse la défaite française. Il entraîne avec lui les membres de sa famille dans la Résistance. Ils seront les premiers résistants à Lacaune, disséminant dans des fermes des juifs ou des résistants en fuite venus de la zone occupée.

 

La zone libre est envahie par l’Allemagne le 11 novembre 1942. Le gouvernement français bascule progressivement dans une collaboration totale avec l’Allemagne hitlérienne.

 

La Résistance, de Londres, s’organise et les mouvements qui la composent sont unifiés sous la responsabilité de Jean Moulin, né à Béziers.

 

Le Service du Travail Obligatoire en Allemagne est créé par la loi du 16 février 1943. 650 000 jeunes y seront appelés jusqu’à la fin de la guerre. 200 000 s’y soustraient, « les réfractaires », dont beaucoup rejoindront les maquis.

 

C’est dans les monts de Lacaune qu’est créé le maquis de Martinou (maquis de Lattre de Tassigny), qui migrera dans la montagne Noire  après une violente attaque allemande en avril 1944.

 

Dans ce contexte, Marie-Jeanne GIRARD intègre le mouvement Combat sous le nom de Rolande FAURE. Basée à Toulouse, elle accomplit de nombreuses missions de liaison entre les maquis, de transports de courriers vers Paris, Poitiers, Lyon.

Échappant à un coup de filet allemand en décembre 1943 où la majorité de son équipe est arrêtée, elle poursuit son combat clandestin à Agen. 

 

Dans la Résistance, Marie-Jeanne GIRARD a donné toute la mesure de son amour de la Patrie, fait montre du plus grand courage, de constance, de discrétion et d’efficacité, sous la menace permanente d’être prise ou dénoncée, ce qui se serait traduit par des interrogatoires allant jusqu’à la torture et l’envoi en camp de concentration dont peu sont revenus.

 

Son grade d’aspirant dans la Résistance a été homologué par la commission statuant sur les grades des Forces Françaises de l’Intérieur.

 

Marie-Jeanne GIRARD a bien servi la France dans l’Honneur. Comme de Gaulle ou Jean Moulin, comme son père, elle a toujours cru que la France se relèverait après la défaite de 1940 et elle a combattu pour qu’elle retrouve sa Liberté.

Pour ceux qui l’ont connue, elle avait du « caractère ».

 

C’est dans la Résistance que Marie-Jeanne fit la connaissance de son époux, Maurice-Jules PECQUEUR, alors qu’il rejoignait le Maroc clandestinement par l’Espagne.

 

Le couple part en Algérie où le lieutenant Pecqueur est affecté à la base aérienne de Boufarik. Le 30 novembre 1957, au cours d’une liaison administrative, leur voiture est mitraillée par des hors-la-loi. Maurice Pecqueur est grièvement blessé. Son épouse, gardant son sang-froid, sort la voiture de l’embuscade, sauvant ainsi leur fils de 13 ans.  Le lieutenant Pecqueur mourra de ses blessures.

 

Marie-Jeanne PECQUEUR était chevalier de la Légion d’honneur, titulaire de la Croix du combattant volontaire guerre 39/45, de la Médaille commémorative des opérations de maintien de l’ordre avec agrafe Algérie.

 

La section  Languedoc sud des Décorés de la Légion d’Honneur au Péril de Leur Vie est fière de l’avoir comptée parmi ses membres. Elle assure sa famille de son soutien, au moins moral.


Hommage à ma grand-mère

 

Une pensée pour mon frère et ma sœur absents à cause de soucis administratifs autant français que nord-américain.

Pour l’état civil c’est Marie-Jeanne PECQUEUR, pour la résistance Rolande FAURE, pour une partie de sa famille Claudette, pour beaucoup CLAUDIA et pour certains Madame la COLONELLE ou encore mamie Titus. Pour nous MAMIE ou Mémé.

Elle n’aimait pas Mémé « c’est pour les vieilles ». A 99 ans on lui propose un déambulateur ;  c est pour les vieux, dit-elle,  moi j’ai mon Caddy à 3 roues.

Elle a eu plusieurs vies mais avec toujours son caractère qui lui a permis de traverser près d’un siècle.

Elle pouvait aimer et maudire dans la seconde qui suivait. Mais son amitié était sincère.

C’était une femme pleine de vie avec ses imperfections mais qui aimait, qui aidait.

Elle n’était pas de la génération INTERNET mais savait utiliser le téléphone que ce soit pour elle quand elle voulait quelque chose ou bien pour les personnes sous son aile pour leur trouver un travail, un logement, une reconnaissance, les aider dans leurs carrières.

Avec mon frère nous avons eu une grand-mère jeune active pétillante avec de l’amour tellement fort qu’il ne fallait pas être entre elle et nous sinon telle une lionne elle se jetait sur cette proie.

Elle nous prenait lors des vacances scolaires, nous accompagnait au ski, nous menait à des stages de tennis en Catalogne pour la qualité de sa terre battue pour préparer les tournois

Puis nous passâmes au motocross. Ni une ni deux elle fit installer un attelage à sa voiture pour nous mener sur toutes les pistes du Languedoc.

Elle avait découvert la passion de la conduite lors de la guerre 39 /45 dans la résistance. Elle eut l’honneur de recevoir ses premières leçons de conduite de monsieur Joseph KESSEL avant qu’il ne rejoigne LONDRES. La résistance où elle rencontra mon grand-père.

Une passion qui lui permit lors de l’attentant dont fut victime notre grand-père d’avoir les réflexes de prendre en main l’ARONDE sous le feu des armes automatiques pour sauver mon père et elle-même.

En mai 68 durant les événements, elle a traversé une partie de la France se ravitaillant en essence je ne sais comment pour aller prendre l’avion à GENEVE afin de venir nous voir à MONTREAL où mon frère venait de naître. Allant chercher du lait pour mon frère dans Montréal, elle est revenue 6 heures plus tard car elle avait rencontré des personnes ayant participé avec elle au maquis des monts de Lacaune.

Une passion de l’auto qui l’a accompagnée toute sa vie au volant de GTE / GTI / XR 2 / XR 3 voir G40. Pour ses 90 ans, ce fut une 206 CC 16 soupapes.

Quel que soit l’âge ou la proximité, elle pouvait nous téléphoner mais aussi à ses amis en disant : ne bois pas trop, ne rentre pas trop tard, tu as les cheveux trop longs, cette barbe c’est laid, tu as du bide….

J’étais en terminale en septembre 1985 et je rentrais en douce d’un week-end au BOL d’OR avec des copains.  Et qui nous avons doublé sur l’autoroute rentrant d’une université d’été politique, Mémé.

Elle avait la passion de la chose publique et se lança en 1976 aux élections cantonales de Montpellier Centre, avec comme slogan tellement d’actualité aujourd’hui « POURQUOI PAS UNE FEMME AU CONSEIL GENERAL : Voter CLAUDIA C‘EST VOTER POUR UNE FEMME au CONSEIL GENERAL »

Puis elle participa ou aida de nombreux candidats par amitié et fidélité.

Cette passion, elle me la transmise et depuis l’université je me présente à des élections :  élu à la faculté, puis au comité d’entreprise de ma société puis dans ma commune et un mandat de délégué syndical. Elle en était fière.

J’ai aussi une pensée pour PAULETTE sa cousine sa meilleur amie si proche, partie il y a juste un mois à 103 ans. Tous les soirs, elles se téléphonaient pendant plus d’une heure.

Où étaient-elles toutes les deux le 13 Mai 1981 ? A Rome sur la place à 10 mètres du Pape JEAN PAUL 2 quand il a subi son attentat.

Elle avait le juron facile et habillait facilement les gens pour l’hiver, mais c’était ma grand-mère. Ce caractère  l’a malheureusement éloigné de certains proches.

A 99 ans, elle voulait toujours plaire et trouver toujours quelque chose à dire sur la gente féminine pas assez travailleuse, ne sachant pas conduire, pas assez indépendante mais surtout trop près de la gente masculine. Ce ne sont pas les pompiers de La Grande-Motte intervenus il y a un mois chez elle qui diront le contraire. L’un d’eux avait de beaux yeux bleus, Elle lui proposa à plusieurs reprises de rester dormir chez elle dans la chambre d’ami.

De tout ce qu’a fait notre pays pour elle, sa plus grande joie fut de recevoir la Légion d’honneur avec la mention au péril de leur vie. Je tiens à les remercier de leur présence.

C’était une femme pleine de vie avec ses imperfections mais tant d’amour à donner, et qui adorait parler échanger, discuter.

La situation sanitaire que nous connaissons depuis 18 mois l’a malheureusement privée des échanges, du contact mais surtout des sourires et des marques d’affections.

Mais maintenant elle va retrouver Paulette, son mari et son fils. Les discussions vont reprendre c’est la fin du calme.

AU REVOIR MAMIE

Fabrice Pecqueur