Conférence : Les Arméniens dans la Première Guerre mondiale : génocide et combats (15 mars 2018)


Conférence du professeur émérite Gérard Dédéyan

Gérard Dédéyan, né en 1942 à Nantes de parents d'origine arménienne, ancien élève de l'École Normale Supérieure, a fait toute sa carrière universitaire (avec un prélude à l'EAI) à Montpellier, à l'Université Paul-Valéry Montpellier, où il est actuellement professeur émérite d'Histoire médiévale et coordonnateur de l'accord de coopération avec l'Université d'État de Moscou. Il est membre de l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, membre à l'étranger de l'Académie des Sciences d'Arménie, membre correspondant de l'Académie des Sciences d'outre-mer.


Il ne serait peut-être pas à propos de considérer la résistance des Arméniens aux troupes ottomanes venues pour les exterminer, dans des villes comme Van, Chatakh, Chabin Karahisar, Ourfa, ou dans des régions montagneuses – Sasoun, Musa Dagh – comme une participation des Arméniens à la Première Guerre mondiale. C’est d’abord la Cilicie (et ses prolongements) qui recueille les premiers contacts, lorsque le vice-amiral Louis Dartige du Fournet assure l’évacuation,  à la mi-septembre 1915, des Arméniens du Musa Dagh qui résistaient depuis près de deux mois, avec des armes rudimentaires, à une puissante armée turque fortement dotée en artillerie.

Transférés en Égypte, avec leurs familles, ces Arméniens vont former le noyau de la Légion arménienne, initialement Légion d’Orient (cette dernière étant créée en novembre 1916). La Légion arménienne (6 000 hommes) placée sous les ordres du lieutenant-colonel Louis Romieu, forme l’essentiel des troupes françaises, qui comptent aussi des tirailleurs d’Afrique du Nord. Pendant le mandat français sur la Cilicie (1919-1921), l’installation de 60 000 réfugiés arméniens, retournant dans une région où leurs proches ont subi le génocide et où leurs biens ont été saccagés ou confisqués, est problématique. Les provocations de l’administration ottomane, auxquelles s’ajoute la propagande des délégués de l’Union nationale arménienne, attisent l’insubordination d’une partie des légionnaires. Ceux-ci, à la fin de la période, sont, de même que le commandement français en Cilicie, abandonnés à eux-mêmes, ce qui n’empêche pas les Arméniens d’assurer une vigoureuse défense à Ayntab et à Hadjin. Les progrès de Mustafa Kemal, et la politique britannique au Proche-Orient, amènent le gouvernement français à décider l’évacuation de la Cilicie, la politique syrienne devant être prioritaire. 

Les Arméniens sont également présents sur le front du Caucase, en 1916-1917, avec quelques 6 000 volontaires qui accompagnent les troupes russes jusqu’à Van. Après la dislocation du « front commun » Azerbaïdjan-Arménie-Géorgie, né de l’effondrement de l’Empire des tsars, consécutif à la Révolution d’Octobre, l’Arménie se retrouve seule pour lutter contre les armées des Empires centraux, en l’occurrence les troupes ottomanes.

Le fait d’armes le plus notoire est la victoire de Sardarabad, le 28 mai 1918, remportée par l’armée régulière, des volontaires recrutés parmi les réfugiés du Caucase et de Turquie, et des groupes de partisans, galvanisés par les exhortations de l’évêque Karékin Hovsêp‛ian, venu en personne sur le champ de bataille. C’est dans ces circonstances que fut proclamée la première République d’Arménie (1918-1920). 

Dans les communautés de la diaspora, les Arméniens se mobilisent aussi : en France, sur 4 000 personnes environ, plus de 10 % se portent volontaires pour combattre dans l’armée française.

Aux Etats-Unis, c’est le sort de la Cilicie qui préoccupe les Arméniens. Après l’entrée en guerre de leur pays d’accueil, en 1917, ils donnent des centaines de volontaires à la Légion arménienne.

Les Arméniens, au nombre de 7 500, aux côtés de 3 000 Russes non bolcheviks, ont participé à la défense de Bakou avec un contingent anglais, la ville devant être prise par les Turcs le 14 septembre 1918.

Enfin, les Arméniens sont présents dans le corps iranien appelé « South Persia Rifles » (11 000 hommes), formé par les Britanniques pour contrer l’influence germano-turque dans le sud de l’Iran. Ils auraient même formé, selon certains historiens, le noyau initial de ce corps.

Cette participation significative à la Première Guerre mondiale, aux côtés des États de l’Entente, valut aux Arméniens d’être considérés comme belligérants et à l’Arménie d’être qualifiée de « vaillante petite alliée » par Clemenceau en vue des négociations de paix.

 

 

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